Contact

Hommage à notre associé regretté, Rémy GENTILHOMME

Rémy GENTILHOMME est décédé le 13 mars 2023, à quelques mois de son départ à la retraite, qu’il avait préparé en transmettant son savoir faire et sa clientèle à Virginie BLOAS.

Rémy était associé de LEXONOT depuis 1991, après avoir exercé comme directeur du service « droit patrimonial » d’un grand cabinet d’avocats.
Il était un spécialiste reconnu, sur le plan national, de l’ingénierie patrimoniale, de la transmission d’entreprises familiales et du démembrement de propriété, il publiait régulièrement des ouvrages et des articles et donnait de nombreuses conférences.

Le Cercle des Fiscaliste a rendu un vibrant hommage à Rémy GENTILHOMME dans un article paru dans plusieurs revues de la société LexisNexis (Droit Fiscal, Actes Pratiques Stratégie Patrimoniale, et Revue Fiscale du Patrimoine, JCP notarial…). Avec leur aimable autorisation, nous en reproduisons le texte :

 

Le Cercle des fiscalistes vient de perdre l’un de ses membres fondateurs. Le 13 mars, Rémy Gentilhomme nous a brutalement quittés, à l’âge de 66 ans, victime d’une crise cardiaque en pleine force de l’âge. Sa disparition soudaine nous a abasourdis et peinés, ainsi que tous ceux qui l’ont connu. La communauté des professionnels du droit du patrimoine perd avec lui l’une de ses figures emblématiques.

 

Remy était un esprit libre, curieux, et déterminé.

 

Titulaire d’un diplôme de notaire puis d’un doctorat en droit, sa formation initiale semblait devoir le destiner à l’exercice classique du droit de la famille et du droit immobilier. Mais sa curiosité naturelle le conduisit rapidement à intégrer le cabinet FIDAL pour y exercer l’activité de conseil juridique. Il y découvrit alors le monde de l’entreprise, et tout particulièrement le conseil en matière de transmission d’entreprises familiales, questions qui le passionnèrent à tel point qu’il leur consacrera toute sa carrière. Pour pouvoir combiner toutes les expertises ainsi acquises, il choisit ensuite de revenir au notariat en s’installant à Rennes au sein de la charge qui allait devenir l’étude notariale Lexonot, dénomination qui affiche à elle seule la haute ambition de ses fondateurs. Lexonot est, en effet, la contraction de la locution latine « Lex est quod notamus », qu’on peut traduire par « Ce que nous écrivons fait loi ». Par sa puissance de travail, son ingéniosité, et ses exceptionnelles qualités techniques, il portera cette étude au plus haut niveau parmi les offices spécialisés en ingénierie patrimoniale.

 

Remy conjuguait une parfaite maitrise du droit civil de la famille, une fine connaissance de la fiscalité patrimoniale et du droit des sociétés, et la capacité de décloisonner les matières. Il savait comme nul autre combiner, dans une approche dynamique et opérationnelle, différents dispositifs juridiques, issus du droit de la famille, du droit des biens, ou du droit des sociétés, tout en optimisant leur fiscalité, pour concevoir sur mesure des organisations permettant de satisfaire au mieux les objectifs de ses clients sur des sujets aussi complexes que la transmission d’entreprises familiales, ou la planification successorale sur plusieurs générations intégrant le cas échéant des éléments d’extranéité. Toute sa vie professionnelle aura été marquée par sa capacité à analyser en profondeur de nombreux dispositifs juridiques et fiscaux, relevant de différentes branches du droit, pour repousser leurs limites traditionnelles et leur donner leur plein effet. Pour lui le droit devait être un instrument au service des citoyens et du développement des entreprises, et non un carcan.

 

Rémy est aussi l’un de ceux qui ont contribué à développer l’ingénierie patrimoniale qui a connu un prodigieux essor en France au cours des dernières décennies.

 

Il a publié plusieurs ouvrages en la matière (Démembrement de propriété et ingénierie sociétaire, Fiscalité des mutations à titre gratuit et des partages) et de très nombreux articles de référence sur des sujets tels que le démembrement de propriété sur titres sociaux, l’abus de droit, les libéralités complexes, et la donation avant cession. Ces écrits demeurent toujours très consultés par les praticiens de nombreuses années après leur publication.

 

Il s’est investi parallèlement dans l’enseignement en faculté de droit en tant que professeur associé à l’université de Rennes, et dans la formation des élèves de plusieurs écoles de commerce dont HEC , de même que dans les travaux du Conseil supérieur du Notariat. Il a également formé dans son étude de nombreux collaborateurs auxquels il a su inculquer sa passion pour le droit du patrimoine et son savoir-faire.

 

Sa double approche théorique et pratique permettait à Rémy d’aborder tous ses sujets de prédilection  avec une grande profondeur d’analyse juridique, sans perdre de vue leurs enjeux très concrets. Son approche était toujours guidée par un solide bon sens terrien.

 

Dans cet esprit il a notamment présidé la troisième commission du 96ème Congrès des Notaires qui s’est tenu à Lille en 2000, commission dont les travaux ont eu un grand retentissement. Ses propositions visant à moderniser le droit patrimonial de la famille pour tenir compte des évolutions sociétales ont, en effet, entraîné des évolutions majeures quelques années plus tard. L’une d’entre elles a conduit le législateur à consacrer, lors de la réforme du 23 juin 2006, l’adoption de la donation-partage transgénérationnelle, outil juridique profondément innovant qui permet de réaliser des transmissions familiales avec sauts de génération dans le respect des principes fondamentaux du droit des successions. Par la suite Rémy n’a eu de cesse de faire progresser les potentialités de ce formidable outil, notamment en lui faisant reconnaitre par le législateur un régime fiscal cohérent et adapté, puis l’a mené à son plus haut degré de perfection dans sa pratique auprès de ses clients.

 

Il a apporté au Cercle des fiscalistes la fraîcheur d’une réflexion personnelle et distanciée sur les dérives qu’il lui arrivait de relever dans le traitement fiscal des contribuables. Ceux d’entre eux, qui se trouvaient victimes de tentatives de redressements fondés sur l’abus de droit ont toujours trouvé en lui un preux chevalier, avisé et combatif, lorsqu’il estimait qu’elles n’étaient pas fondées en droit. Sa participation à la fondation du Cercle des fiscalistes en 2006 était d’ailleurs en partie motivée par cet objectif. Lorsque l’administration tenta par exemple de remettre en cause les opérations de donations précession, il fut l’un des principaux défenseurs des contribuables. Son analyse rigoureuse du schéma démontra l’impossibilité de l’existence d’un abus de droit en la matière sauf en cas de fictivité. Elle fut confirmée par le Conseil d’Etat dans le célèbre arrêt Motte-Sauvaige du 30 décembre 2011.

 

En bref, il était un juriste et praticien de grande envergure, en même temps qu’un esprit libre toujours enclin à soutenir les thèses qu’il tenait pour justes sans crainte d’aller à rebours des idées reçues. Il menait ses combats avec conviction et une plume acérée non dénuée de poésie. Les titres de certains de ses articles en témoignent : « la girouette et le vent », « l’or perdu de l’apport avec soulte », « la mort du savetier devenu financier ». Nous gardons en mémoire un billet qu’il a publié en 2011 dans Les Echos pour stigmatiser l’attitude d’un de nos champions nationaux qui se faisait complaisamment sur les plateaux le chantre du civisme fiscal alors qu’il avait lui-même trouvé refuge, ou plutôt croyait avoir trouvé refuge car l’administration fiscale réfutait le point, dans un pays beaucoup plus accommodant que la France. Le titre dont il avait habillé l’écrit était, de mémoire, « les déboires fiscaux de ce virtuose de la raquette qui pousse la chansonnette ». Il ne manqua pas de nous signifier son profond agacement à la découverte de la formule beaucoup plus académique que le journal avait substituée à celle qu’il avait conçue : « l’impôt et la solidarité sont-ils antinomiques ? Ces écrits et leur vivacité resteront durablement dans nos souvenirs. Enfin, Rémy était également un rural, profondément amoureux de la nature, des forêts. Chasseur passionné, il appréciait partager avec ses amis la bonne chère et le bon vin.

 

Ce témoignage de son associé Matar Charpentier à la fin de l’allocution par laquelle il lui a rendu hommage le jour de ses obsèques présente de façon lumineuse la richesse du personnage.

 

« Notre affectio societatis ne s’arrêtait pas aux murs de notre étude. Rémy, c’était aussi la passion partagée des belles voitures, des bonnes tables, des grands vins, des cigares dont nous abusions parfois, en parfaite sécurité, dans sa chère propriété de Bourgouët. Il s’intéressait à tout avec précision et engouement : la musique classique, le jazz, le rock (on chantait ensemble à tue-tête, avec la musique à fond à Bourgouët !). Mais aussi la poésie et la littérature, le cinéma, l’histoire et la géopolitique… Au quotidien, il était l’homme de la situation tant dans la gestion rigoureuse de notre étude que pour faire face aux multiples difficultés de tous ordres que nous rencontrions au fil des ans. Il faudra certainement très longtemps avant de réaliser que tu es parti, que nous ne referons plus jamais le monde dans nos discussions passionnées…Rémy, tu es la plus belle rencontre professionnelle de ma vie ».

 

Ses collègues du Cercle rendent hommage à sa chaleur amicale et expriment à sa famille leur profonde sympathie face au deuil qui la frappe.

 

(Les membres du Cercle des fiscalistes : Philippe Baillot, Philippe Bruneau, Corinne Caraux, Olivier Dauchez, Jean-François Desbuquois, Frédéric Douet, Hugo Héliot, Pascal Lavielle, Jean-Yves Mercier, Bernard Monassier, Frédéric Poilpré, Jérôme Turot.)